jeudi 20 juin 2013

Leçons de logique

7 artes 
 1Grammatica: Quand les aveugles essaient de guider quelqu'un qui voit, ceci malgré lui, il se fâche
 2Rhetorica: Trois tueries sans armes, trois mesures
 3Dialectica: Leçons de logique
 4Arithmetica: Pourquoi l'Arithmétique et la Prudence sont liées
 5Musica: À propos Sonata Nemetodurica - le "making of"
 6Geometria: Géométrie
 7Astronomia: Astronomie, deux lettres, sur l'épistémologie naturelle et surnaturelle
  Geo/AstroTrigonométrie dans le temps, ça donne quoi?


J'en donne deux ce soir, après une leçon sur la grammaire - sur le comment des changements phonétiques - et une leçon sur la rhétorique, sur les exploitations ou négligences que certains écrivains font à propos de certains tuéries.

Première leçon, à un gauchiste étudiant:

Un soir, j'étais invité à un barbecue à Nanterre, la plupart des antifas étaient civilisés, comme dit, et on me posait des questions sur le fait que je sois créationniste-jeune-terre (young earth creationist comme tous les pères de l'église) et notemment les dinosaures.

Une position que je tenais pour possible était que les T Rex étaient des OGM. Refaits par scientifiques Nodiens. Avec 30 fossiles trouvés, sans plus, et avec une autre espèce trouvée récemment en Chine qui était 100 fois moins volumineux (ça fait 4,6 fois moins en hauteur, 4,6 fois moins entre dos et l'estomac, et 4,6 fois moins entre le côté droit et le côté gauche) on se demande si par hazard T Rex était un monstre, un OGM accidentiel ou intentionnel de cette autre espèce.*

Mais là où un certain homme me ricanait c'est que je considérais la disparaison des dinosaures due à la chasse.

"T'as chassé dinosaure, toi?"

Non.

Je n'ai pas fait la Deuxième Guerre Mondiale non plus (de quel que soit le côté). Ça ne me prouve pas que la Deuxième Guerre Mondiale n'ait pas eu lieu.

Et mon manque d'expérience personnel ès chasse-de-dinosaures ne prouve pas que ça ne soit pas la fin de T Rex non plus.

On peut toutefois soupçonner que ces chasseurs là les appelaient "dragons" et non pas "dinosaures."

Ce n'est donc pas obligé de prendre une expérience personnelle de chaque chose qu'on considère comme vraie.

Autre leçon, à des prêtres** - catho-modernistes, tradi-cathos ou orthodoxes:

Avant la leçon même, quelques mots sur l'occasion.

Imaginez qu'un père se bouche soigneusement et visiblement les oreilles. Il se tourne - toujours les oreilles bouchés - à son fils et dit: "Tu vas écouter mon argument, je ne vais pas écouter le tien. Quand tu ouvre la bouche, je sais que tu essaies d'argumenter contre moi, quand tu incline la tête devant moi, je saurai que tu auras enfin cessé d'argumenter contre ton père. Et tu te prends pour qui, pour argumenter contre ton père, d'ailleurs? Alors, voici mon argument ..."

Quand on prend soin, par prière devant la Providence Divine ou par intermédiaires purement humains que quelqu'un d'autre soit affronté à l'argument qu'on veut faire, mais sans se montrer un-même, de manière d'éviter d'être confronté à la réponse, alors on donne moralement une impression pas trop loin de ce genre de père insupportable.

Ce matin le fait que tel personne avait laissé dans la douche municipale (non pas la cabine mais sur le banc quand on sort de la cabine) un livre par un père Maurice Zundel montre qu'il y a une telle intentionnalité. Non, pas Ernst Zündel le révisionniste ou négationniste, mais Maurice Zundel. Mort en 1975, me semble-t-il.

J'ai pourtant le bon goût de laisser le livre de Maurice Zundel dans la douche.

Ce soir, quand je feuillète quasiment les étagères, je trouve Louis Bouyer, Cosmos. La fruit de la prière de quelqu'un qui est deçu que je n'ai pas pris le livre de Zundel? Jugez-en après être avertis par moi du contenu!

1) Dans le chapître où il défine quasiment le mot "mythe" (exemplifié par les mythes proche-orientaux et défini comme si les autres mythologies n'avaient rien de mieux à offrir par rapport à ce qui y est pire) il qualifie "les mythes" (sans les qualifier clairement comme proche-orientaux, s'il vous plaît) comme précurseurs du gnosticisme et du manichéisme.

2) Il souligne la différence d'axiologie qui sépare le récit biblique "des mythes" (et il s'agit là encore des mythes proche-orientaux, comme si Hésiode ou Voluspá, pour erronnés qu'ils soient, avaient exactement la même axiologie pré-gnostique).

En se faisant, il donne l'impression que tout ce qui importe dans les mythes - proche-orientaux ou autres - est l'axiologie (à son point de vue celle des mythes proche-orientaux) erronnée, et que tout ce qui importe dans la Genèse est d'avoir une axiologie correcte t opposée à celle des mythes proche-orientaux.

Là, je feuillète, la malhonnêteté intellectuelle de cette démarche me donne dégoût.

Je ne sais donc pas si par rapport aux notices de nature factuelle (ou, au pire, factoïdale) partagés entre Genèse et mythes proche-orientaux et d'autres, il donne une meilleure vue des choses. Je vais peut-être vérifier après avoir vous fait parti de mon rejet de cette attitude intellectuelle.

Mais je me sens sauvé en voyant un notice sur l'unité entre scholastique et science, et sur le fait que la science n'aurait pas pu être inventée dans l'athmosphère des mythes proche-orientaux ou manichéennes. Je me jette donc vers chapître XII "De la Théologie vers la Science" en espérant de trouver quelque chose de valable. Et je ne suis pas totalement deçu.

Il dénonce, à très bon droit, des malentendus qu'on trouve à propos la scholastique. Un Romanides, qui se trouve dans le droit, ou à peu près, quand il insiste que Lavinius et Énée parlaient Grec ensemble, parce que le dernier ne parlait évidemment pas le Latin et il y avait déjà eu une émigration grecque avant Énée, il se trouve aussi totalement dans le noir quand il parle des Franks ou de la Scholastique. Les niaiseries parodiques là-dessus, qui entre autres choses opposent ou prétendent opposer les Pères de l'Églises quasi diamétralement aux Scholastiques, ces niaiseries qu'il avait avalées dans son temps d'études à Harvard (pour bien apprécier le Moyen Âge Latin il aurait dû prendre Oxford ou peut-être Louvain), il les trouverait corrigées dans la toute première partie de ce chapître appelée Naissance de la scholastique.

Aussi le prochain mégaparagraphe est presque totalement bon, à savoir Albert, Thomas et Bonaventure.

Presque, car je vous cite un paragraphe dans lequel il rechute dans une façon de voir les connexions historiques que le bon académicien qu'était C. S. Lewis aurait qualifié (avec méfiance mérité) d'historicisme - un mot par lequel il entend l'illusion néfaste de saisir le sens profond de l'histoire. C'est le dernier:

Le néo-rationnalisme, au contraire, de la scholastique post-occamienne, bien plus subtil, au point de parvenir à passer (non sans en rire sous cape) comme son contraire et de se confondre à plaisir avec les formes les plus pieuses d'un néo-augustinisme cache-pot, minerait jusqu'en ses moelles tout l'avenir chrétien de la scholastique... jusques et y compris peut-être ses renaissances les plus "thomistes" d'intention ou de désir, aux XIXe et XXe siècles tout comme aux XVIe et XVIIe.


Taxer non un acteur et une œuvre, mais une mouvance tout entière comme insincère et "riant sous cape" quand en rien elle n'essaie de se montrer telle est bien entendu déjà s'attribuer omniscience divine ou de l'attribuer à sa source. Laquelle? Bon: il cite dans la note ne bas de page A New History of Philosophy, loc. cit. et il s'agit du dernier volume Recent Philosophy : From Hegel to the Present New York, 1966, le chapître sur le néo-thomisme.

Et l'écrivain qui se prononçait ex officio sur le néo-thomisme des temps très récents avait quelle autorité sur celui de St Robert Bellarmin? Peut-être aucune, j'en sais rien.

Mais encore dans une autre phrase Bouyer se prétend omniscient ou croit que le soit l'auteur de ce chapître publié à New York (et non pas à Oxford) en 1966 (et non pas avant le décès de C. S. Lewis en 1963, lui aurait pu critiquer cette œuvre comme il fallait).

Il prétend savoir (par ses propres études sur la chose ou celle de cet auteur publié en Nouveau York qui se basait peut-être encore sur un autre auteur moderne qui était peut-être lui-même un négationniste quand aux 24 thèses thomistes - dont je trouve peut-être 2 moins sûres que les autres), il prétend savoir un négatif universel, à savoir que jamais plus dans le futur la scholastique sera pleinement chrétienne (à supposer comme il fait qu'elle ne l'était déjà pas chez St Robert ou chez Maritain), mais aussi à quel moment précis elle avait cessé d'avoir cette potentialité, comme une branche coupé cesse d'avoir la potentialité d'être enté ou planté dès qu'elle est brûlée. Sucez ces quelques mots:

Le néo-rationnalisme ... de la scholastique post-occamienne ... minerait jusqu'en ses moelles tout l'avenir chrétien de la scholastique


Ohé, un moment!

Un scholastique (même de nos jours comme de ceux de St Robert Bellarmin) n'est pas obligé d'être informé sur ce néo-rationnalisme de la scholastique post-occamienne, et s'il l'est quand même, il n'est pas obligé non plus à se plier en quatre devant les rigolades sous cape (à supposer qu'il y en avait vraiment tellement).

Si le ridicule tue quelqu'un, ce n'est pas le théologien, philosophe, scientifique sérieux, mais le mondain et encore un mondain qui respecte trop, trop, vraiment trop (jusqu'au suicide intellectuel) celui qui le ridiculise. Et si on rappelle comment St Thomas était "mondain" le diner qu'il était invité chez St Louis IX, (le décrire comme "mondain" dans ce contexte me fait rire sous cape), je ne crois pas que ses émules (même juste émules intellectuels comme moi ou - en moindre partie - C.S. Lewis, sans l'être aussi dans sa vie monastique) se sentiront obligés de sentir le "futur chrétien" (St Thomas rappelait que le futur contingent n'est pas accessible à la science humaine), et encore non seulement le futur en général mais même "tout futur chrétien" de leur démarche scholastique comme "miné jusqu'en ses moelles". C. S. Lewis qui détestait l'historicisme aurait en plus déploré qu'ici l'auteur se livre à imager un ensemble de personnes ou des efforts personnels comme un organisme avec une moelle.

Pour respirer un peu d'air fraîche, je vous renvoie à lire ce que ce dernier disait à l'occasion d'être nommé Professeur à Cambridge, Magdalene College (avec -e), ès "Lettres anglaises de Moyen Âge et de la Renaissance, en excluant le drame." Son allocution nous rappelle que si les auteurs et leurs œuvres sont bien réelles, les périodes dans lesquels on les divise ne le sont généralement pas. Elles ne sont que des découpages utiles.***

Une des beautés de l'internet est que je peux poser un commentaire, et des semaines ou un mois plus tard avoir une réponse. Le tac-à-tac de la conversation n'a pas la chance de détruire l'échange intellectuel des arguments. Mais ceci rappelle que la même chose est possible aussi quand il s'agit des arguments d'il y a 4 siècles et demi ou d'il y a 7 siècles - je viens de nommer (en les désignants par leurs époques) St Robert Bellarmin et Sts Albert, Thomas et Bonaventure.

Pour ceux qui ont appris le latin, je vous propose de l'air vraiment fraîche: les condemnations de l'évêque de cette belle ville, Étienne II Tempier - un peu entre St Thomas d'Aquin et Bx Duns Scot et en plus assez Carrément Anti-Ockham, là où il le faut (il condamnait le déni de la loi naturelle). Je viens de transferer l'appendix du livre par David Piché (juste l'appendix, avec les thèses condamnées énumérées selon les matières en latin, sans son propre effort, la traduction française - à laquelle j'apporte très occasionnellement une correction), sur mon blog latinophone. Voici le lien abrégé:

http://petitlien.com/tempier

Et de cette page on a le lien vers les autres, vers les erreurs condamnées sur Dieu, sur les anges, sur l'âme, corps, ensemble de l'homme et ainsi de suite. Je vous invite à une bien meilleure lecture que Louis Bouyer! Tant pis pour ceux qui n'ont pas appris le latin (ou dont la latinité est trop non-médiévale pour bien goûter Étienne Tempier).

Résumé des deux leçons:

1) Ne pas isoler la personne de votre adversaire dans sa propre expérience unique. Il a aussi le droit d'utiliser des sources, y compris parfois les mêmes et y compris parfois des autres que vous-même. Ou de réflêchir. Après, libre à critiquer l'usage qu'il fait de ces droits, mais on ne les doit pas lui denier.

2) Ne sombrez pas dans l'historicisme! À moins qu'il soit cautionné par l'Apocalypse ou par St Augustin ou par Notre Dame à Fatima. Un historicisme, une hypostasiation incessante des ensembles ou raccourcis du récit historique, ça fait mal à la pensé - même chez quelqu'un qui la maîtrise autrement bien! Tolkien° recommendait que le mot "le Gouvernement" soit considéré comme hérésie (mais pas le mot "le gouvernement" dans le sens "l'action ou l'art de gouverner"), et qu'on soit obligé de nommer les personnes dont on parle, comme personnes.

Juste question de tenir les pensées claires et nettes et libres de confusions dûes à un mauvais choix de mots doublé de fatigue intellectuel.

Hans-Georg Lundahl
BpI, Georges Pompidou
St Silvère, Pape
20-VI-2013

*Le rapport des tailles entre les deux variétés détruit l'argument courant contre les géants et leur possibilité. Les trouvailles de cette autre espèce ont été faites en Chine.

**J'imagine ou j'espère ne pas avoir donné aux cabbalistes le pouvoir de me jeter des sorts. J'ai quand même craché trois fois en abjurant le diable après de voir la vitrine d'une librairie de la loge!

*** De descriptione temporum, je n'ai plus en tête quelle collection d'essais, si ce n'était pas deux, dont Selected Literary Essays.

°Quelque part en Letters.

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