lundi 12 novembre 2012

La grammaire de l'amour


En grammaire, c'est une règle assez stricte - je n'en connais même pas d'exception réelle - que pour donner du sens, une copule (entendue ou sousentendue) a besoin d'un sujet et d'un prédicat.

Je suis Romain.

Si c'est vrai ou pas - je suis en effet né à Vienne en Autriche, ville bien romaine, fondée peut-être l'année que fut née la Sainte Vierge, donc après Paris, sous César Auguste, et je suis Catholique: mais je suis de parents suédois et mon enfance était une période précatholique de ma vie - c'est au moins trois mots qui donnent du sens. On pourrait les confirmer ou les invalider d'après les faits que je viens d'évoquer.

Je - sujet;
suis - copule;
Romain - prédicat.

Un Romain parle latin, étrusque, grec ou italien.

Ça aussi donne du sens. C'est même indubitablement vrai pour le Romain dans le sens primaire, c'est à dire l'habitant de Rome (le sens dans lequel je ne suis pas Romain).

Un Romain - sujet;
(est) - copule (sousentendue);
parl-(ant) latin, étrusque, grec ou italien - prédicat.

La grammaire de Port Royal entend "il parle" comme "il est parlant".

Parler étrusque est difficile aujourd'hui, car l'étrusque est une langue morte.

Pas une langue classique, ce que certains prennent pour "langue morte" puisque c'est une langue qui ne se trouve pas dans les "langues vivantes", mais une langue vraiment morte. Un vocabulaire non de 5000 mots ou quelques (le vocabulaire hébreux de l'Ancien Testament), non même de 500 mots (les mots recourrants, non-spécialistes, chez Homer ou Simenon), mais de 50-100. Une grammaire dont on ne connait pas tous les formes, ni tous les chiffres, ni tous les usages constitutifs pour varier les sens suffisemment pour parler de tout ce qu'on veut. Pourtant, Tarquin l'Orgueilleux était un Romain (un Roi de Rome, même) et il parlait très certainement l'étrusque. Mais le propos est grammaticalement un double propos:

Parler étrusque - sujet 1
est aujourd'hui - copule 1
difficile - prédicat 1

car / 1 car 2:

l'étrusque - sujet 2
est - copule 2
une langue morte - prédicat 2.

On pourrait varier avec la copule sousentendue entre un vocatif et un impératif ou prohibitif:

Hé, Jean! Ne parle pas l'étrusque ici!

Hé Jean - sujet au vocatif
ne pas - négation de copule du hortative n'ayant pas de forme en soi
parl-(er) étrusque ici - prédicat dont l'impératif est marqué par l'absence de désinence d'infinitif.

Quelques généralités: pour un sujet on prend souvent un pronom (je) ou un substantif (Romain, l'étrusque) ou un nom propre (Jean). Pour un prédicat on prend souvent soit une autre description du sujet avec les mêmes genres de mots ou avec un adjectif après le verbe être, soit un verbe. Mais le verbe peut, dans la forme infinitive, servir aussi de sujet.

Il y a donc des sujets qui sont assez prédicables, des prédicats qui sont assez sujetables, comme il y a des sujets surtout qui sont en sois très sujetables et des prédicats qui sont en soi très prédicables.

Mais le sujet reste sujet et le prédicat reste prédicat. Sans les deux il n'y a pas de sens à la copule.

Et pour qu'une copulation ait de sens, c'est à dire de fruit en forme d'enfants ou une possibilité théorique, au moins, il faut le sujet de la grammaire de l'amour, qui est l'homme et le prédicat de la grammaire de l'amour qui est la femme. Après il y a des hommes un peu féminins comme il y a des sujets très prédicables et des femmes assez masculins comme il y a des prédicats assez sujetables. Ça ne change rien.

Entre deux sujets il n'y a pas de copule, juste conjonction. Pareille entre deux prédicats:

Un Romain - sujet;
(est) - copule;
parl-(ant) le latin - prédicat 1
ou (parlant) l'italien - prédicat 2.

Les mots "parle le latin ou l'italien" ne donnent pas de sens complet sans le sujet.

En français, une des conjonction, "et", sonne le plus souvent (quand il n'y a pas de liaison), comme la copule commune "est". Mais ce n'est pas la même chose du tout. La conjonction n'a pas les même droits dans la grammaire que la copule.

Hans-Georg Lundahl
BpI, Georges Pompidou
St Martin I, Pape et Martyr
12-XI-2012

PS: Pour rappel c'était par un non-respect de la famille traditionnelle, de la part de son fils, que Tarquin l'Orgueilleux perdit la couronne de Rome.

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