dimanche 23 octobre 2011

"Il faut constamment forcer sa raison à voir la réalité en face ..."

Bien, très franchement, non. La volonté a normalement besoin d'être redressée chaque jour, surtout entre puberté et vieillesse.

Mais la raison?

Non, pas du seul fait de la chute d'Adam. Pas des faits qui nous sont communs à nous tous.

C'est vrai que des non-linguistes non-polyglottes ont mal à comprendre qu'une langue étrangère à la leur n'est pas leur grammaire avec les mots de l'autre langue, mais plutôt à la fois d'autres mots et désinences (si l'autre langue a même des désinences) et d'autres règles (donc aussi de désinces pour autres choses, y compris comme en chinois l'absence quasi totale des désinances: certains linguistes comptent comme une désinence génitivique-adjectivante un petit mot de fait sans propre accent qui se trouve entre le substantif concret et l'autre substantif qui y appartient ou entre le substantif abstrait et l'autre substantif dont il est l'adjectif ou entre phrase rélative et le substantif dont il est la phrase rélative, mais à part ça, le chinois est sans désinences et il faut une certaine élasticité du sens linguistique pour apprendre les règles et les mots qui remplacent nos formes). Mais soit il n'en a pas quottidiemment besoin de le savoir, soit avec le besoin il deviendra linguiste et le comprendra, de la suite, sans peine.

La réalité, celle qui interesse ou celle qui devrait interesser, n'est même pas après la chute d'Adam un objet ardu à atteindre. Il y a des choses qui sont directement inaccessibles à nous, donc soit connaissables par révélation surnaturelle, soit inconnaissables dans cette vie. Mais il n'y a pas de vérités nécessaires et quand même ardues. Sauf dans la domaine ou ça touche à la volonté. Même là, les vérités en tant que vérités ne deviennent pas trop ardues pour qui accepte l'autorité divine derrière elle. C'est leur application qui est ardue. C'est le jeûne* qui est conseillé à tous les chrétiens, chaque semaine et quarante jours de plus par an. Pas la soumission théorique à la jésuite, de trouver qqc noir bien que ça semble blanc ou l'inverse. Et St Paul nous demande une conversion quottidienne, pas de réapprendre le catéchisme chaque jour.

Il y a pourtant des gens qui ont mal à saisir certaines réalités. Les riches, ayant appris que les pauvres qui leur quemandent doivent attendre leur oui ou non, ont parfois mal à comprendre qu'une fois qu'ils ont dit non à un pauvre, il n'est plus obligé à attendre encore d'autres décisions d'eux, de leur être déférants à peu près en toute démarche, même non quemandante. C'est ce qui arriva à Haman vis-à-vis Mordochai. Oui, plus on a de part dans la société terrestre, richesses, influences, pouvoir, plus il est aisé d'oublier combien peu cette société terrestre nous oblige. Mais là, il y a déjà une difficulté qui ne concerne qu'à une partie des gens.

Les difficultés habituelles de la raison ont l'air d'être les produits de ses circonstances. Comme, par rapport au corps, pas le fait d'être mortel ou pêcheur, mais d'avoir un dos courbé sous travail dur ou un ventre courbé sous manque de travail dur. Malheureusement, la circonstance de vouloir garder les gens contre ça, vouloir garder les déviances subjectives de déborder, est exactement une circonstance qui donne un peu trop d'illusions subjectives. Normalement, elle oblige à un tel surplus de vigilance dans la réalité que les mots surcités auraient quelque justification - notons que je dis quelque justification, pas un justification complête - pour eux qui sont dans cette circonstance. Elle y est là pour les prêtres en tant que gardiens de la foi. Elle y est là pour les juges en tant que gardiens de la justice civile.

Et quoi dire à propos des gens qui en plus se prennent cette tâche déjà par l'illusion qu'il y ait tellement d'autres façons de garder les gens contre leurs subjectivités? L'écrivain est au moins obligé de se risquer dans le dialogue publique (ce que je fais et ce que j'ai fait assez assidument), quoi dire du prof qui devient la règle prochain pour d'élèves qui parfois n'ont ni envie ni talent ni besoin d'être dans la classe, mais qui ne trouve pas de critiques en dehors de la classe, élèves avec parents? Que dire du psychiatre? Que dire du scientifique qui, considérant cosmologie traditionnelle comme une erreur, considérant cette erreur comme l'occasion du fanatisme, considérant le fanatisme comme l'occasion du meurtre, devient lui-même fanatique pour son antifanatisme, pour son antitradition, et parfois - comme on voit chez des médecins coupables d'avortements ou d'euthanasies ou chez des psychiatres persécutant des gens jusqu'au suicide - fanatiques jusqu'à en être devenus meurtriers?

Il y a biensûr d'autres circonstances qui poussent abnormément à l'erreur. Chaque thèse, chaque chose cru comme vrai, a ses conséquences logiques. Une erreur déjà acceptée, ou rejetée mais juste à moitié, juste sous une formulation, pousse à d'autres erreurs. Dans le protestantisme du 1517 se rencontrent diverses erreurs, qui ne restent pas là. Par exemple le hyperaugustinisme se trouve aussi chez Baius, chez Jansenius, chez Quesnel, dans le sens donné en haut il se trouve aussi chez Romanides (un prêtre certes orthodoxe, non protestant, mais qui avait édudié à Harvard, faculté très protestante parmi les facultés anglophones) ... et dans la même prêche je trouve aussi:

"La nature en elle-même est bonne, mais elle est
après la chute, dans le concret
gâtée, blessée."


Dans le concret parfois, même souvent sous certains aspects? Ou dans chaque aspect du concret à chaque instant? La deuxième valeur de cette phrase ambivalente n'est pas reconciliable avec un rejet complet de l'erreur luthéro-calvino-janséniste, c'est à dire l'erreur selon laquelle la nature est considéré d'être totalement corrompue.

Si on dit que des âmes privilégiées doivent faire une guerre quasi incessante contre leur nature, il n'y a pas cette erreur. Car, telle âme peut avoir une vocation de se distancer plus que beaucoup d'autres âmes sauvées des imperfections de la nature. Mais il y a des circonstances qui ne permettent pas tellement de prioriter la lutte incessante contre les propres imperfections, par exemple parce qu'on est obligé de lutter aussi contre des difficultés matérielles, par exemple parce qu'on est obligé de ne pas blesser les gens qui flattent un-même par affection, chez ceux dont la vocation est familiale plutôt que religieuse, et c. Si un prêtre en tant que religieux trouve beaucoup de difficulté ou beaucoup de satisfaction dans sa lutte contre ses imperfections, il n'est pourtant pas obligé à l'imposer aux laïcs dans la paroisse. S'il le fait par rapport à ses difficultés, il rappelle trop des gens qui, s'ils jeûnent, ne tolèrent pas de voir quelqu'un d'autre manger. S'il le fait par rapport à ses satisfaction, qu'il se rappelle que Dieu peut donner d'autres satisfaction pour d'autres vertus à d'autres âmes.

S'il me semble risqué de confier son âme à des prêtres suspects d'être jansénistes, ils donnent aux moins une explication plausible dans l'histoire de la culture, comment des gens noramelent purement théoriques, purements guîques** seraient parvenus jusqu'à la persécution académique de leurs adversaires. Car le scientisme prend ses racines en Prusse, pays d'élite calviniste et en partie d'Angleterre qui, sous le Test Act de 1673, était un pays d'élite réformée. Et l'Écosse aussi, même avant. La France même ne devient pas scientiste avant d'avoir gouté au poison des Huguenots.

Hans-Georg Lundahl
Georges Pompidou/Paris
23-X-2011

*La jeûne? En latin c'est jejunium, neutre, donc normalement masculin en français, mais le neutre pluriel - en occurrence jejunia - donne parfois des féminins en français, même avec un sens singulier. **Ou geeks, si vous préférez l'orthographe anglaise.

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